CEP                             Cas clinique : Kevin
Cas raporté dans "DSM-III-R – Cas cliniques"
Spitzer R, Gibbon M., Skodol A.E., Williams J.B.W., First M.B.
             Université de Columbia (New York State psychiatric intitute)
          Traduction par Dubroca J.M., Ferrand N. - Masson 1991, p232-234.
                     Commentaires
Jack Foucher            

Commentaires des auteurs (DSM3R)
Suivit
Diagnostic CIM-10
Diagnostic DSM4R
Diagnostic WKL



Commentaires des auteurs

La symptomatologie de Kevin est faite d'idées délirantes somatiques bizarres, d'idées de grandeur et d'une désorganisation du discours (il saute du coq à l'âne). Le diagnostic d'épisode maniaque, que les idées délirantes de grandeur et la fuite des idées permettent d'évoquer, doit cependant être éliminé car l'humeur n'est ni exaltée, ni expansive, ni irritable.
Quand sa maladie a-t-elle commencé? Bien qu'il dise qu'il n'est plus le même depuis la mort de sa mère, 9 mois auparavant, il ne décrit aucun changement en lui-même qui paraisse anormal. Quant à son père, il estime que ses troubles ont commencé il y a seulement 3 mois. Nous aurions plutôt tendance à donner raison au père. La présence de symptômes caractéristiques de la schizophrénie depuis moins de 6 mois permet de penser qu'il s'agit d'un trouble schizophréniforme. Il ne sera pas possible de spécifier, comme on doit le faire, si le trouble comporte ou non des caractéristiques de bon pronostic, car la seule information qui puisse permettre de porter cette appréciation concerne l'affect, qui ne semble ni émoussé, ni abrasé.
CCL : Diagnostic selon le DSM-III-R, Axe 1: Trouble schizophréniforme.



Suivit

Kevin a été traité à l'hôpital par du lithium et de la chlorpromazine. Très vite, il était suffisamment amélioré pour rentrer chez lui. Il est retourné au lycée dans la semaine qui a suivi sa sortie d’hôpital, il a fini son semestre avec des notes satisfaisantes, A et B (ce qui correspond à un 15/20). L'année d'après, alors qu'il avait arrêté de prendre ses médicaments, il a recommencé à être perturbé. Facilement irritable, agressif verbalement, il n'arrêtait pas de parler et avait totalement perdu le sommeil. Une fois même, il s'était mis à courir sur la voie publique, complètement dévêtu. Il disait que "la marche du temps s'était inversée" et croyait, comme lors du premier épisode avoir un ovaire. Pendant 3 ans, jusqu'à ce qu'il comprenne qu'il lui fallait prendre ses médicaments, il a eu plusieurs rechutes similaires suivies d'hospitalisations. Cela fait 1 an qu'il s'est décidé à prendre régulièrement son lithium et il se porte bien. Il a son appartement, une vie sociale active, et vient de passer son CAP de plombier.
Le tableau clinique d'épisodes maniaques postérieurs à la première hospitalisation nous impose de réviser notre diagnostic et de poser celui d'un trouble bipolaire. On peut dire, rétrospectivement, qu'à la première évaluation, l'humeur était expansive, mais n'était pas suffisamment accentuée pour que l'on puisse affirmer à cette époque le diagnostic d'un épisode maniaque.



Diagnostic CIM-10
                                                                      Debut

Le trouble semble avoir émergé rapidement (<2 semaines), comprenant des symptômes schizophréniques (délire bizarre en particulier) sans éléments polymorphes. Mais il a duré trop longtemps (>1 mois) pour un trouble aigu et transitoire. Il répond donc au critère de schizophrénie de sous-type paranoïde (F20.0).
Les épisodes suivants en revanche comprennent des éléments thymiques en avant du tableau dont une élévation persistante de l'humeur pendant > 1 semaine. La symptomatologie délirante semble avoir été considérée comme étant au second plan par rapport au trouble thymique ce qui est plus en rapport avec une manie qu'un trouble schizo-affectif.

Remarques :

Le pronostic de la forme paranoïde est moyen, l'accumulation de symptômes entre les épisodes est modérée. Fonctionnellement c'est la forme qui permet le plus souvent une activité sociale et professionnelle. A noter qu'à long terme le pronostic d'une schizophrénie n'est pas aussi mauvais qu'il est classique de le dire, et la chronicité du trouble ne concerne sans doute que 50% des patients en moyenne (voir par exemple l'étude de Lausanne).

Traitement : Devant un premier épisode de schizophrénie paranoïde entrée en rémission, les conférences de consensus sur la conduite à tenir recommandent la poursuite du traitement neuroleptique sur une durée de 1 à 2 ans après un premier épisode, et de 5 ans s'il s'agit d'une récurrence (cf. recommandations)


Diagnostic DSM4R
                                                                     Debut

Le diagnostic d'épisode pose problème : éléments schizophréniques dont la durée est supérieure à 1 mois, peut-être pas inférieure à 6. En toute rigueur, les diagnostics DSMIVR de schizophrénie doivent prendre en compte des éléments prodromaux dans le calcul du temps. Le patient a rapporté des modifications datant de plus de 9 mois, mais les auteurs ne les ont pas documentés, on est donc obligé de les suivre et de considérer que les troubles ont réellement débutés il y a 3 mois.
Les auteurs tentent de faire un diagnostic longitudinal du trouble, et ils semblent navrés de devoir quitter leur première idée au point de se justifier en disant que l'expansivité n'était pas assez accentuée, alors que leur observation fait état d'une humeur qui n'était ni irritable, ni euphorique, ni expansive. Cela illustre pourquoi cet instrument (ainsi que la CIM) doit être considéré comme ne permettant qu'un diagnostic d'épisode. Il ne faut pas chercher à trouver de diagnostic valable sur la vie entière au risque de biaiser le diagnostic d'épisode.
Enfin, le compte rendu ne donne aucun élément sur la durée des symptômes psychotiques par rapport aux éléments thymiques. Dans le cas ou l'idée d'avoir un ovaire à la place de son testicule avait persisté plus de 2 semaines après que les éléments maniaques se soient amendés, les épisodes suivants pouvaient être taxés de schizo-affectifs.

Traitement : Que l'épisode soit schizophrénique ou schizophréniforme, les recommandations sont les mêmes que précédemment (même durée).



Diagnostic WKL
                                                                        Debut

Le diagnostic n'est pas aisé, il manque des éléments. La discussion sert donc d’illustration au raisonnement face à la diversité des diagnostics possibles (chacun ayant un pronostic différent).

Classiquement pour une PMD, le délire doit se comprendre par rapport à l'accélération que vit le patient. Ici c'est surtout cet ovaire à la place du testicule qui paraît incompatible. Il est cependant nécessaire de le mettre en perspective avec l'économie psychique du patient étant donné son histoire. Le premier épisode est incomplet (pas d'euphorie ni même d’anxiété), mais pas instable dans le temps. On nous dit que les parents s'étaient rencontrés alors qu'ils étaient tous les deux soignés en psychiatrie. Une bipolarité chez l'un d'entre eux renforcerait l'hypothèse.

Mais les épisodes semblent se correspondre sans qu'il y ait de polarité opposée. On pourrait donc envisager une manie ou une euphorie pure.
La manie pure peut être exclue, car le tableau doit comprendre un tableau toujours identique et complet comprenant élévation de l'humeur, tachypsychie, hyperactivité. Le premier épisode semblait dépourvu d'une élévation de l'humeur.
Parmi les euphories pures, l'hypothèse la plus intéressante serait l'euphorie hypocondriaque en raison de cette histoire d'ovaire-testicule. Une telle hypothèse suppose que le patient ait exprimé une souffrance vis à vis de ce ressenti corporel. Ce n'est pas limpide dans l'observation, mais on peut l'imaginer, étant donné qu'il réclamait un traitement. On peut aussi comprendre pourquoi l'euphorie aurait échappé aux investigateurs lors de la première hospitalisation, puisqu'elle peut ne se développer que lorsque le sujet parle de ses souffrances (ici son ovaire-testicule). Mais il ne devrait pas y avoir d'hyperactivité, ni d'accélération au point de sauter d'un sujet à l'autre (l'accélération se voit essentiellement lorsque le sujet parle de ses sensations).

Le plus probable est une psychose anxiété-félicité avec sa composante anxieuse (peur que ses camarades le croient homosexuel), avec des éléments de félicité qui sont parfois très fugaces de telle sorte que le sujet peut ne pas les rapporter spontanément. Les idées hypocondriaques peuvent se voir dans ces tableaux, les sauts d'un sujet à un autre aussi, sans toutefois atteindre une véritable incohérence comme dans la psychose confusionnelle excitée. Certes la charge héréditaire est faible dans ces troubles, cependant, il y a ce que Leonhard interprète comme un effet de l'environnement : si l'un des parents est atteint, la proportion de psychoses dans la descendance est de 15.4 % vs. 3.1 % si aucun des parents ne souffre du trouble. De façon amusante 1 enfant sur 6 atteint (16.6%) n'est pas très éloigné de cette statistique (cela n'a rien d'une démonstration).

Seule une paraphrénie affective (schizophrénie non systématisée) peut encore être évoquée, mais a aucun moment le délire semble avoir été affectivement investi. Ce point n'est souvent pas correctement évalué de sorte qu’ici, le diagnostic ne peut formellement être éliminé. Il faut néamoins retenir que l'absence de symptômes dans les premiers intervalles inter-épisodes ne peut en aucun cas servir à éliminer ce diagnostic.

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Copyright © CEP, création janvier 2008, dernière mise à jour janvier 2008, Jack Foucher