Cas
clinique : Lanis
Observation et commentaires Jack Foucher
Diagnostic CIM-10
Diagnostic DSM4R
Diagnostic WKL
Diagnostic CIM-10

Le
diagnostic qui sera envisagé à
l'époque est celui
de schizophrénie simple (schizophrenia simplex de Bleuler)
qui
recouvre en partie celui de psychose blanche. Son discours est en effet
proche de celui du cas unique sur lequel Blanckenbourg a
conçu
l'idée d'un déficit primaire dans la
schizophrénie
qui serait : “la perte de l’évidence
naturelle”.
L'absence de ressenti des émotions est un symptôme
"négatif" suffisant avec éventuellement un
discours
égocentrique. Les symptômes ont duré
plus d'1 an et
le retentissement sur le comportement est significatif.
L'évolution est continue : schizophrénie
simple (F20.60).
Pronostic
:
il est considéré comme mauvais avec un retrait
social et
une absence d'activité professionnelle. On
considère
aussi que les symptômes ne disparaîtront pas. Une croyance non soutenue par les études (cf. par exemple enquête de Lausanne).
Traitement
: bien que la plupart des psychiatres prescrivent des neuroleptiques,
cette pratique n'est validée par aucune étude
dans cette
sous-forme (trop rare, trop difficile à diagnostiquer).
Étant donné que ces médicaments n'ont
une action
significative que sur les symptômes positifs et la
désorganisation, leur prescription pourrait ne pas avoir un
rapport bénéfice / risque favorable, d'autant que
ces
médicaments ont souvent un effet "anhédoniant".
La
prescription d'antidépresseurs, quoiqu'elle ne soit pas plus
validée est une option parfois adoptée.
Diagnostic DSM4R

Il est
difficile de porter le même diagnostic avec le DSM4R,
puisqu'il
n'existe pas, ou plus exactement il n'existe que sous la forme de
critère de recherche : "le
trouble déterioratif simple".
Il faut pour cela une réduction marquée du
fonctionnement
scolaire ou professionnel, l'apparition de symptômes
négatifs, une bizarrerie, peu de relations
interpersonnelles. Le
sujet ne doit pas remplir les critères A pour la
schizophrénie, ne doit pas être mieux
expliqué par
autre trouble ni par une personnalité (il faut qu'il y ait
une
différence nette par rapport au fonctionnement
prémorbide).
Mais le DSM4R propose un autre type de trouble qui pourrait tout autant
correspondre aux symptômes présentés
par la
patiente : le trouble de dépersonnalisation. La
dépersonnalisation est une expérience
très
courante, ce qui est pathologique ici est son caractère
chronique et handicapant.
A l'époque cette hypothèse n'avait pas
été
évoquée, mais a pu être
renforcée
ultérieurement en lui demandant de se remémorer
les
symptômes qu'elle avait à cette époque
:
- Même
en
dehors des périodes de cafards je me sens étrange
comme
si je n'étais pas réelle ou comme si
j'étais
coupée du monde.
- Ce
que je vois est plat et sans vie comme si je regardais une image.
- Je
ne prends plus le même plaisir dans les activités
que j’aime bien.
- Lorsque
je fais quelque chose, j'ai la sensation d'être un
observateur détaché de moi-même.
- La
saveur des repas ne me donne plus la même sensation de
plaisir ou de dégoût qu’avant.
- Lorsque
je pleure ou je ris, c'est comme si je ne ressentais plus
d'émotion du tout.
- Ce
qui m'entoure
est comme détaché ou irréel, comme
s'il y avait un
voile entre moi et le monde extérieur.
- C’est
comme
si des choses que j'ai faites récemment s'étaient
passées il y a très longtemps. Par exemple j'ai
l'impression que des choses faites ce matin ont
été
faites il y a plusieurs semaines.
- Bien
que
complètement réveillée, j'ai la
sensation de me
voir à l'extérieur de moi-même et de me
regarder
comme à travers un miroir.
- Lorsqu’une
partie de mon corps fait mal, j'ai l'impression d'être
tellement
détachée de la douleur que c'est comme s'il
s'agissait de
la douleur de quelqu'un d'autre.
- J'ai
parfois
l'impression d'être en dehors de mon corps. En fait elle
précise : ne pas se sentir exister (ce qu'on appelle une
dévitalisation).
Tous ces symptômes correspondent à un
vécu de dépersonnalisation.
Pour voir dans quelle mesure une schizophrénie simple
pouvait
correspondre, nous lui avons fait passé un questionnaire sur
les
symptômes de base. Bien qu'ils n'aient pas
été
proposés pour cela et qu'ils n'ont pas
été
validés dans ce cadre, ils sont théoriquement
présents dans les schizophrénies simples. Elle
n'a
répondu positivement qu'à 1 seul item de
l'échelle
de Francfort, ce qui est tout à fait dans les normes.
Remarques
:
A l'inverse des autres troubles dissociatifs, le trouble de
dépersonnalisation n'est pas lié à un
stress aigu,
mais à un "stress" chronique
généralement sous la
forme d'un dénigrement régulier de la part d'un
des
parents, ce qui est le cas chez cette patiente qui a l'impression de
n'avoir jamais pu satisfaire son père que celui-ci
n'arrêtait pas de lui faire de remarques.
Enfin, l'hypométabolisme de la jonction
temporo-pariétale
droite a été mis en avant dans la
physiopathologie du
trouble en raison de son implication dans
l'héminégligence. Une étude a
retrouvé
cette anomalie sur une petite cohorte (voir
le SPECT, mot de passe exigé).
Pronostic
:
l'évolution du syndrome de dépersonnalisation est
variable, des rémissions sont possibles, mais aussi des
récurrences.
Traitement
: il n'existe aucune étude contrôlée
pour le
traitement de cette affection. Nous disposons d'une étude
observationnelle où il a été
demandé aux
patients ce qui avait amélioré ou fait
disparaître
leurs symptômes. Les benzodiazépines et les IRS
ont
marché dans ~30% des cas. Les neuroleptiques n'ont jamais
entraîné d'amélioration, même
les atypiques.
Les amphétamines marchent dans ~20% des cas.
Parce que les agonistes du Rc Kappa à la morphine
déclenchent un syndrome de dépersonnalisation
presque
pur, on a supposé que les antagonistes de ces
récepteurs
pourraient être efficaces. La Naloxone et la Naltrexones sont
antagonistes Kappa à très fortes doses.
Malheureusement
elles sont hépathotoxiques à cette posologie,
mais elles
ont été employées à titre
de preuve de
principe avec un effet positif dans 80% des cas.
Diagnostic WKL

La symptomatologie est
dépressive. On est donc dans les dépressions
pures, et il s'agit de la dépression indifférente.
L'analogie avec le trouble de dépersonnalisation est
évidente au point qu'on peut raisonnablement penser qu'il
s'agisse de deux descriptions de la même entité
clinique.
Sur le plan symptomatique cependant Leonhard est plus restrictif dans
sa description, n'incluant que des symptômes de
dépersonnalisation et pas d'élément de
déréalisation. Il insiste sur la
répétition
quasi obsessionnelle de la plainte et sur le fait que le
vécu
corporel des émotions n'est pas perdu, mais
dissocié du
vécu psychologique. L'exemple de la sensation d'enserrement
illustre cette idée. Sa réactivité aux
benzodiazépines pourrait en faire une manifestation
corporelle
d'anxiété, qui n'est pas du tout ressentie au
niveau
psychologique par la patiente.
Pronostic
:
Leonhard insiste sur le caractère phasique du trouble,
même si les dépressions pures ont la
caractéristique d'avoir une évolution longue
faite de
demi rémission, rechute etc... Mais même
après
plusieurs dizaines d'années d'évolution, le
trouble peut
se résoudre spontanément, ce que nous avons pu
observé chez cette patiente.
Traitement
: il doit être envisager par analogie avec le trouble de
dépersonnalisation.
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commentaires (contact).

Copyright
© CEP, création mars 2008,
dernière mise
à jour mars 2008, Jack Foucher