De l'oxygéne pour la schizophrènie ?
Catégorie : LectureAuteur : Jack R Foucher
Proposé par Fabrice Berna
Les auteurs partent du constat d'un déficit d'activité cérébrale chez les patients schizophrènes chroniques et propose d'inverser l'interprétation qui en est faite : ce ne serait pas un déficit primaire d'activité cérébrale mais une insuffisance d'apport.
Ils ont réalisé cette étude en double aveugle, randomisée en cross-over sur 24 sujets. Les patients se voyaient proposer soit de l'air normal (21% d'O2), soit un air enrichi en oxygène (40%) administré par voie nasale pendant la nuit (>7h) sur une durée de 4 semaines. L'ordre était contrebalancé dans les deux groupes de 12 sujets. La sélection des patients était drastique puisque 172 ont été screenés (PANSS >60, patients chroniques, capable d'éviter de fumer la nuit, respect des règles de sécurité, BMI <30). De plus 9 patients sont sorti d'étude (soit 15 l'ayant terminée), les analyses ont été tantôt faites sur 20 patients ayant au moins participé pendant plus de 2 semaines, soit sur les 15 restants. La PANSS, la CGI et 3 tests cognitifs : les 15 mots de Rey (mémoire à long terme), la substitution symbole chiffre (vitesse de traitement), l'empan directe et inverse (mémoire de travail). La statistique était une ANOVA à mesures répétées avec 3 facteurs : temps (les 4 semaines), le traitement (40% vs 21% d'O2), et un facteur ordre pour prendre en compte une éventuelle persistance de l'effet.
Sur la PANSS, il y a une tendance pour un effet traitement (40% > 21%) p = 0.08 (ddl = 1,13), et une interaction traitement x temps (p < 0.001). L'effet prédomine sur la PANSS générale sans qu'il soit possible de savoir quel facteur contribue à ce changement et a une amplitude de 5 points. Aussi cette amélioration n'est pas immédiate avec l'instauration du traitement mais se développe au cours des 4 semaines de traitement. Curieusement, l'effet disparait aussi progressivement sur 4 semaines... La différence de 5 points à la PANSS et le tout petit effectif résiduel explique qu'il n'y ait pas d'amélioration à la CGI.
Sur les tests cognitifs, tous sauf l'empan directe (il s'agit d'une tendance pour l'empan inverse) sont améliorés par le traitement (+25 % environ) sans interaction avec le temps. Autrement dit l'effet est immédiat et ne construit pas dans le temps, ni ne se maintient puisqu'il semble se défaire aussi vite.
Commentaire : Il s'agit plus d'une preuve de concept que d'une réelle stratégie. L'effet clinique est modeste, semble impacté d'autres symptômes que les symptômes classiques de la maladie et seuls une toute petite fraction de la population peut se voir proposer un tel traitement. En revanche l'impact sur la cognition est loin d'être négligeable et donne à réfléchir : +25% de performance en plus immédiatement (a priori dès la première nuit sous O2). L'effet test-retest ne semble pas expliquer une telle différence. A tempérer néanmoins puisque les interactions avec le facteur ordre n'ont pas été présentés pour la cognition alors qu'ils l'ont été pour la PANSS.
Bloch et coll. Normobaric hyperoxia treatment of schizophrenia. J Clin Psychopharmacol. 2012;32:525-30