Le syndrome d'Ekbom
Délire chronique, systématisé, en secteur, monothématique caractérisé par la conviction délirante d'être infesté d’insecte ou de parasites cutanés en l’absence de toute parasitose. Les termes de délire parasitaire (delusional parasitosis), délire d'infestation (delusional infestation) ou délire dermatozoïque sont synonymes.
Histoire
La personnalité éponyme est le neurologue suédois Karl Axel Ekbom, qui décrit un délire d’infestation présénile (Der Praesenile Dermatozoenwhan – 1938) chez 22 patients (essentiellement des femmes âgées). Mais deux dermatologues français, Thibierge (1894) et Perrin (1896) en avait déjà donné une description.
Ce syndrome ne doit pas être confondu avec celui de Wittmaack-Ekbom qui correspond au syndrome des jambes sans repos.
Clinique
Le patient présente la conviction délirante d’avoir la peau infestée par des parasites ou des insectes, alors qu'en réalité, aucun signe de parasitose ne peut être identifié (gale en particulier). Cette conviction est isolée, càd qu’elle ne s’accompagne pas d’autres idées délirantes (en secteur). Des paresthésies physiologiques ou des hallucinations à type de formications peuvent sous-tendre cette conviction délirante. Aussi toute cause médicale pouvant entrainer des paresthésie peut initier le délire : allergie, hypothyroïdie, cancer, maladies cérébrovasculaires, tuberculose, neuropathie (déficit en vitamine B12, diabète). La xérose cutanée post-ménopausique peut expliquer la très large surreprésentation des femmes de plus de 60 ans.
Le patient tente de convaincre le médecin en lui amenant de prétendues "preuves" de façon répétée et insistante : des particules (tissus, squames) trouvées sur la peau ou les vêtement classiquement présenté dans une boite d’allumette (matchbox sign). Souvent, en tentant de se débarrasser ou de capturer un parasite le patient peut être amener à s’infliger des blessures.
Comme le patient agit de façon adapté en conséquence de sa conviction, comme son discours n’est pas désorganisé et que le délire ne s’étend pas (systématisé, en secteur), le patient peut convaincre un partenaire voir un groupe de l’authenticité de son délire (folie à deux).
Généralement les patients consultent dermatologue, vétérinaires, voir entomologistes ou des entreprises spécialisées dans la lutte contre les parasites. Le patient n'étant pas accessible au raisonnement, il change fréquemment de consultant dès lors qu’il a le sentiment de ne pas être cru.
Diagnostics différentiels
La maladie des Morgellons qui est la croyance que des fibres généralement textiles ont pénétré la peau et occasionne un prurit ou des paresthésies peut être une variante du syndrome d’Ekbom. Mais généralement il s’agit plus d’une idées surinvestie de mères préoccupées par des lésions ou un prurit chez leur enfant.
On ne sait pas si les patients qui ont la conviction délirante d’avoir leur domicile infesté par des insectes (généralement des blattes) peuvent appartenir au même groupe. Le terme anglo-saxon de cleptoparasitose délirante (Delusory cleptoparasitosis) utilisé pour décrire ce trouble est inadapté. Un cleptoparasite est animal qui se nourrit aux dépens de la production ou de proies capturées par une autre espèce (comme le coucou), s’il parasite souvent le nid, cela est inconstant.
Une idée délirante d’infestation peut être une des manifestations d’une schizophrénie ou d’une dépression, mais elle n’est en règle pas isolée (cf. paraphrénie affective, dépression hypochondriaque, euphorie hypochondriaque, paraphrénie hypochondriaque).
Les formications sont fréquentes dans les psychoses amphétaminiques ou cocaïniques. Mais elles surviennent dans un contexte de consommation importante de toxique, comprennent des symptômes maniaques et/ou d’autres symptômes psychotiques, et sont brèves (82% durent moins d’1 mois).Dans le cas d’une intoxication aigüe au PCP ou aux stimulants, un délire d’infestation peut accompagner les autres symptômes confusionnels qui se greffent à l’excitation.
Rapport avec les classifications internationales
Le syndrome d’Ekbom primaire est référencé comme "trouble délirant persistant, sans précision" (F22.9) pour la CIM-10 ou "trouble délirant, type somatique" pour le DSM-IV-R.
Dans le cas ou celui-ci serait secondaire "autres troubles mentaux précisés dus à une lésion cérébrale et un dysfonctionnement cérébral et à une affection physique" (F06.8) pour la CIM-10, "trouble psychotique dû à l'état de santé général" pour le DSM-IV-R.
Terrain
Avant 50 ans, le syndrome d'Ekbom est observé aussi souvent chez l'homme que chez la femme, mais il est deux fois plus fréquent chez la femme après 60 ans (possiblement secondaire à la xérose cutanée post-ménopause).
On estime que chaque dermatologue en voit deux à trois tous les cinq ans.
Traitement
Celui-ci a surtout été codifié par les dermatologues qui sont consultés en première ligne :
- Traitement des lésions de grattage, ou d'une surinfection.
- Parfois un traitement antiparasitaire pour faciliter l’adhésion à prise en charge psychiatrique.
- Les antipsychotiques sont efficaces. En France les antidépresseurs sont aussi proposés.
- Une psychoéducation est nécessaire, mais rarement suivie.
Pronostic
L’évolution symptomatique est le plus souvent mauvaise car les patients ne suivent pas le traitement psychiatrique. Mais l’intensité des symptômes varie dans le temps.