Cas clinique Marquin : Réponses

Cas clinique et commentaires proposés par Jack Foucher
Club psychose du 12.09.2013

Symptômes majeurs

Symptômes présents

  • Le patient se prête avec bonne humeur à cet entretien filmé. Son visage est souvent souriant, son discours est accompagné de gestes fréquents et amples, il plaisante même volontiers. S'il reconnait être de bonne humeur, à aucun moment il se dit être dans une humeur exceptionnelle.
  • On apprend par l'examinateur qu'il était hyperactif et avait entrepris beaucoup de choses. Bien que la notion d'un surcroit d'énergie n'ai pas été directement posée, on peut la déduire de ce qui a été dit.
  • Il présente une logorrhée sans pression de parole et sans importantes modulations de la prosodie. Il ne parle pas non plus trop fort. La quantité d'informations fournies est aussi excessive proportionnellement aux questions posées.
  • On apprend qu'il dormait peu, sans que cela semble avoir eut comme conséquence une sensation de fatigue.
  • Mais on apprend aussi qu'il a entrepris une sortie en bateau qui semblait être une première et qu'il s'est mis dans une situation dangereuse pour lui et les siens sans qu'il l'intègre comme tel.
  • L'examinateur met en avant à plusieurs reprises que le comportement était désorganisé, et/ou qu'il n'allait pas au bout des choses.
  • Le patient semble peu réaliser le caractère morbide de son comportement : on semble lui avoir retourné qu'il était exalté mais ne semble pas s'en rendre compte. On lui retourne qu'il était désorganisé dans ce qu'il faisait, mais ne semble pas le reconnaitre.

Symptômes non présents

  • Son comportement durant l'entretien ne parait pas grossièrement déplacé ou familier, il garde une distance suffisante avec la personne qui l'interroge (vue à notre époque).
  • On ne perçoit pas non plus une véritable hypersyntonie.
  • Il ne parait pas particulièrement distractible lorsque quelqu'un toque à la porte ou lorsque le téléphone sonne puisqu'il reste dans son discours. Il n'y a pas d'idée délirante de type persécutive ou mégalomane.

Symptôme particulier

Il y a dans son discours quelques éléments qui auraient aussi mérités d'être relevés. Pour les apprécier plus directement nous vous mettons le verbatim de cet entretien ci-après :

Je viens d'avoir 49 ans c'est un bel âge on dit, pas 50 encore, mais c'est les derniers 39 ans qui s'écoulent. On peut rien faire, c'est la nuit des temps, on ne bouge pas, comme dirait mon père, et alors on devient vieux et meurt et alors la vie naissance mort. Alors on le prend assez laborieusement, on travaille même, parce que le travail à cet âge là prend plus d'intensité, on aime plus faire quelque chose. Jamais quand je voyais un moteur d'automobile ouvert, jamais je regardais ni que ce soit, ni que c'était qu'est-ce que c'était un cylindre ou un piston ou un allumage ou un je sais pas quoi. Et bien maintenant on devient observateur, on tient le coup, on est dans le vent.
Vous être rentré il y a quelque jours dans notre service, d'après vous pour quelle raison ?
Et bien si j'étais exalté, si j'avais des problèmes de famille si j'avais pas mal de choses qui concouraient ensembles, il est bien certain que le concours de circonstances serait augmenté, et puis alors on m'a dit tien, on a un parent dans la médecine, on va le prévenir, Mr D. Il me connais très bien, c'est un ami d'enfance, on l'appelle et il nous fait rentrer là, ce que je crois qu'il a bien fait, parce que jusqu'à aujourd'hui ça va de mieux en mieux, voyez...
Effectivement ça va mieux, mais à votre entrée qu'est-ce qui se passait, vous pourriez nous le décrire un petit peu ?
Entrée ... entré c'était assez bon parce que avec des éléments connus, j'avais des éléments connus qui m'ont fait rentrer. Ce qui fait ... bon on disait pour 3j - 4j, je doublais facilement la dose, je disais pour 8 ou 10 jours.
Mais qu'est-ce qui s'est passé au niveau de votre comportement par exemple ?
Et bien j'étais pas nerveux, j'étais calme, j'ai vu que j'ai affaire avec des, plus ou moins, j'ai vue que j'avais à faire avec des gens sensés qui mon pris bien en marche finalement, parce que pour un nerveux comme moi, je suis un peu nervopathique quoi un peu je ne sais pas comment vous expliquer, ça allait bien, dès qu'on fait des gestes bien, on reçoit bien, dès que la réception se passe bien, je crois que l'entrée se passe bien.
Mais à votre entré je crois que vous dormiez peu ?
Exacte.
Vous tentiez de travaillez beaucoup en fait.
Je tentais et je réussissais à travailler beaucoup.
Mais ce n'était pas toujours de façon ordonnée.
Le sommeil pour moi c'est un repos. Bon, l'animal quand il vivait à quatre patte, il pouvait dormir assis, enfin sur ses quatre pattes, et je trouve que par exemple quand je me suis réveillé tout à l'heure, bon je faisais surement un joli somme parce que j'étais bien bâti, bien blotti, tout cela, mais ça me compte en temps de repos si vous voulez, si vous additionnez ces temps de repos, je pense qu'on tombe sur 6 ou 8 heures réglementaires vous savez.
Et dans votre métier, qu'est-ce que vous faites d'ailleurs comme métier ?
Moi je suis comptable, en réalité je m'occupe d'une caisse, une caisse assez importante 600 à 900 ouvriers à démêler et encore pas mal de choses à faire, alors ça demande du temps. Mais en ce moment je passe facilement du caissier au comptable, du comptable à l'ajusteur, parce que chez nous on avait 2 métiers avant dans le temps. Mon père était administratif gérant d'hôpital, et le matin il faisait cordonnier, ça pouvait servir, d'ailleurs ça m'a servi à beaucoup de choses jusqu'à présent il m'a arrangé un ??? en cuire. Mon frère aussi, il est importateur, exploitateur, directeur de je ne sais pas quelle société, mais il fait, son métier c'est l'électricité. Quant à moi je fais un peu d'ajustage, j'élime les limes, j'élime le fer pour en faire quelque chose et puis je suis caissier.
Pour reprendre les motifs de votre hospitalisation , votre entourage trouvait quand même que vous en faisiez tout de même un peu trop, càd que vous ne teniez pas en place que vous étiez très euphorique enfin que tout allait bien, un peu trop bien même.
Ca se passait très bien. C'est pas le produit qui me rendait euphorique, c'est le ciel bleu, la vie, l'espoir //
Alors un bon soleil engendre la bonne humeur, les gens en dehors sur les plages, qu'est-ce qu'on voit devant nous, des petites planches à voiles évaluer, évoluer sur l'air, sur la mer, comme des oiseau, je ne sais pas moi, des goéland mettons, et ensuite vous avez quelques des caravelle tout cela. J'ai appris à tirer, tirer la voile, tirer c'est border. Mais j'ai remarqué que c'était exactement l'inverse de l'accélérateur. Quand on a accéléré ça veut dire lâcher choquer, et comme on tirait c'était bordé, alors j'ai appris ça tout seul, j'ai dis bon je fais mon système là, les autres ne comprenaient pas, moi je comprenais parce que choquer border c'était facile. Alors j'ai fait de la caravelle facilement pendant des jours et des jours. Et on bronze petit à petit au soleil. Bon, puis il nous est arrivé de faire un pic nique sur mon bateau un trimat de 9 mètres. Et nous avons été comme ça mais on a perdu le foc, c'est une des voiles, et nous sommes revenu par nos propres moyens, le vents, la barque, enfin tout ce qu'on pouvait avoir chacun conditionné nos efforts, et nous sommes arrivés comme des arriveurs de je ne sais pas moi, jamais ils n'avaient vu ça quoi, surtout que la mer était très très démontée, ce jour là. Et puis la mer, qu'est-ce qu'on voit la mer, on voit de belles filles, on s'balade, on flâne, on achète sur les marchés. Et toujours le soleil et tout de même le soleil incline à la bonne humeur, dès qu'il y a du soleil vous allez voir tout à l'heure si le soleil part. Si plusieurs personnes se mettraient à taper au soleil et bien je crois qu'il se lèverait le soleil hein, temps de brume tant de pignon hein, vous croyez pas ?
Vous avez une méthode pour faire sortir le soleil ?
Faire sortir le soleil, non je ne crois pas, j'ai peut-être une sensation qui me dit tien voilà tu as un peu chaud, tu peux aller te baigner, je commence à mettre mon slip, mon short et je sort. Et puis quelque heures après, il y a le soleil, c'est d'abord... c'est joli, c'est gentil. Et le soleil n'est pas fini, nous sommes début septembre seulement, il va y avoir du soleil, est-ce qu'il y a eut un décalage horaire, un décalage en face de moi menstrualité. Et le soleil, le soleil, c'est beau, on voit les marseillais jouer, un peu rondement, avec un jeu de pétanque, tiens, c'est un sport qui me ravit la pétanque, arrivée plus belle d'une boule pour la lancer comme ça accroupi et en discutant chaque points en le mesurant, et dit donc, il faut être bien, faut avoir un bon morale, et puis le soleil revient.
En parlant de moral, on a l'impression que vous avez un bon moral ?
Moral, oui ça va j'ai pas à me plaindre, à quoi ca sert de se plaindre dans la vie. Ni de ses maux, ni de ses ... personne n'a d'erreur, ça sert à rien, le monde nous écoute, comme on écouterait quelqu'un poliment et c'est tout. Seulement d'avoir la bonne humeur intérieure, bon on peut la garder, et une mauvaise humeur, comme le cafard tout ça je crois qu'il faut se le garder pour soi même parce que les gens se moqueraient ou je sais pas, on ne fait pas des gorges chaudes, m'enfin c'est pas ça. Il faut garder pour soi la bonne humeur et la mauvaise humeur.
Et ça vous arrive d'avoir la mauvaise humeur ?
D'être en forme ?
Etre en forme je vois là.
Oui supposez qu'une belle journée se termine ou bien quelque chose qui nous a plus dans la journée se termine, tout a une fin en principe, et être de bonne humeur c'est bine, et ça fait des années que j'ai toujours été de bonne humeur.

Le discours est aussi désorganisé, on y observe :

  • Un déraillement avec un relâchement des associations, des coq à l'âne, des digressions, et des réponses à côté.
  • Et une altération du langage :
    • Au niveau syntaxique : paragrammatismes voir agrammatisme qui ne semble pas être qu'une figure de style ou une particularité d'expression - d'autres parties du ne présentant pas ces particularités. P.ex. "Jamais quand je voyais un moteur d'automobile ouvert, jamais je regardais ni que ce soit, ni que c'était qu'est-ce que c'était un cylindre ou un piston ou un allumage ou un je sais pas quoi."
    • Au niveau sémantique : des paraphasies verbales, p.ex. "Mon frère aussi, il est importateur, exploitateur, directeur de je ne sais pas quelle société", ou des paraphasies phonémiques, p.ex. "Nous sommes arrivés comme des arriveurs", sans que ces dernières aillent jusqu'à des néologismes.

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Proposition(s) et hypothèse(s) diagnostique(s)

CIM-10 et du DSM-IV R / DSM V

En l'absence d'antécédents, la CIM-10 propose le diagnostic de manie sans symptômes psychotiques (F30.1) : présence des 2 symptômes typiques (élévation de l'humeur + augmentation de l'énergie) et au moins 2 autres symptômes (insomnie sans fatigue et logorrhée). Rappelons que pour la CIM-10 le trouble bipolaire 1 n'est évoqué qu'après au moins 2 épisodes thymiques dont l'un est un épisode maniaque.

Cela est différent pour le DSM IV ou V qui pose d'emblé le diagnostic de trouble bipolaire avec épisode maniaque actuel sans symptômes psychotiques, congruents ou non à l'humeur (F31.1).

Classification de WKL

Le phénotype de cataphasie serait retenu. Le trouble de l'humeur n'est qu'apparent : le patient ne reconnait pas d'élation nette de l'humeur, et l'excès d'énergie est secondaire à l'excitation de la sphère de la pensée. La désorganisation du discours ne peut être rapporté à une tachypsychie comme cela peut s'observer dans l'accès maniaque de la PMD : en effet il n'y a pas de pression de parole. De plus la prosodie est plate, presque monotone. Il n'y a pas d'hyper-émotivité ou de réactivité de l'humeur comme dans la manie de la PMD (éléments absents de la manie unipolaire). Il n'y a pas non plus d'hypersyntonie ou de distractibilité comme on l'observe dans ce phénotype.
Bien qu'on retrouve quelques troubles de la logique en début d'extrait, ils n'ont pas été correctement explorés pas plus que la désorganisation conceptuelle. Les troubles syntaxiques et sémantiques sont néanmoins suffisant pour soutenir l'hypothèse d'une cataphasie. On pourrait les observer aussi dans la paraphrénie incohérente, mais généralement accompagnés d'autres éléments psychotiques clairs : délires et hallucinations multimodales. Le mode évolutif n'est pas non plus évocateur de ce dernier phénotype.

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Eléments manquants

Pour la CIM et le DSM on aurait aimé être certain de l'absence d'éléments psychotiques.

Pour la classification de WKL, on aurait aimé avoir un test psychique expérimental pour explorer les troubles de la logique et la désorganisation conceptuelle.

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Pronostic

C'est un bel exemple de dissociation entre les pronostics CIM/DSM et WKL. Si pour les premiers la théorie voudrait que le pronostic soit bon, on sait aujourd'hui que ce n'est que statistique puisqu'un certains nombre de patient change de catégorie diagnostic avec le temps (schizo-affectif vois schizophrénie surtout) et que même si le diagnostic est retenu, la cohorte de Zurich montre que 26 % évolueront vers une pseudo rémission (résolution des troubles thymique + troubles fonctionnels) et 16 % vers la chronicité (troubles thymiques persistants + troubles fonctionnels).

Le diagnostic de cataphasie indique qu'avec la répétition des épisodes, l'évolution se fera vers l'aggravation des troubles cognitifs dominés pas la désorganisation. Le patient ne sera sans doute plus capable d'exercer son activité professionnelle. On s'attend donc à un impact fonctionnel à terme. Seule sa sévérité est inconnue.

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Propositions thérapeutiques

L'épisode aigu se traitera de la même manière en suivant les recommandations internationales. Certes dans le cas d'un diagnostic de cataphasie, la prescription d'un neuroleptique atypique a plus de sens, mais il ne fera que réduire la désorganisation liée à l'excitation, pas celle liée à la perte de fond. Un raisonnement pharmacologique nous incite à penser qu'un médicament ayant une affinité alpha2 antagoniste serait préférable (augmentation du tonus noradrénergique dans les structures préfrontales, p.ex. asenapine, clozapine, olanzapine, paliperidone - risperidone, ziprasidone), voir mieux si associé à un effet d'inhibition de la recapture de la noradrénaline (quetiapine).

L'effet protecteur "disease modifier" (réduction du risque évolutif) du lithium possible pour la catatonie périodique, n'est pas démontré pour la cataphasie.

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