Cas
clinique : Barpa
Commentaires Jack Foucher
Nommer le symptôme
Diagnostic
Nommer le symptôme

Tamburini en 1890 parlait des
“hallucinations motrices verbales des aliénés” pour décrire ces
productions verbales parfois proches de la verbigération, mais qui ne
sont pas reconnues par le patient comme émanant de soi.
Ce vocable
semble ne pas se superposer avec ce que Jules Séglas nommait les
“hallucinations psycho-motrices”, puisque pour ces dernières, il
semblait comprendre ce que nous entendons actuellement par
"hallucinations intra-psychiques" (selon Lanteri-Laura 2002). Pour
rappel, les hallucinations psychiques, un terme inventé par Baillarger,
aussi appelées intra-psychiques, se différencient des hallucinations
psycho-sensorielles (par exemples les hallucinations
acoustico-verbales) par l'absence de caractère sensoriel (p. exemple
sonore) du phénomène. Certains ont rapproché le terme d'hallucinations
intra-psychique de ce que les anglo-saxons nomment le phénomène
d'insertion de pensée. Ce rapprochement pose des difficultés car ce
dernier phénomène inclus dans les symptômes de premier rang de
Schneider est compris comme un délire et non comme un phénomène
hallucinatoire. Selon la définition du Kaplan et Sadock (7èm ed –
1994), l'insertion de pensée fait partie des idées délirantes de
contrôle (delusion of control) : le patient émet l'idée que des pensées
étrangères ont été introduites dans son cerveau.
Dans la
classification de WKL, les hallucinations motrice verbales, hors phase
d'exacerbation ne s'observent que dans la paraphrénie incohérente et la
catatonie inertielle. Dans la première la patiente parle véritablement
de façon audible, alors que dans la seconde, la production est quasi
inaudible. La seule différence avec la verbigération est alors
l'absence de reconnaissance de cette activité ou du matériel comme
émanant de soi.
Des enregistrements EMG ont permis d'authentifier
chez certains patients la concomitance de la perception des
hallucinations avec une activité électrique des muscles pharyngés et
une expérience utilisant les laryngophones utilisés par les pilotes
pendant la seconde guerre mondiale a pu mettre en rapport le contenu
des hallucinations tel que rapporté par le patient avec ce qu'il était
possible de percevoir sur l'enregistrement.
Diagnostic

Cette patiente était diagnostiquée de schizophrénie résistante.
L'évolution
chronique de symptômes psychotiques. En particulier la présence
d'hallucinations avec lesquelles elle conversait. Le fait de parler
avec ses voix, dès lors que la durée est suffisante (1 mois pour la
CIM, 6 mois pour le DSM), peut suffire à poser le diagnostique en
l'absence de tout autre symptôme, après élimination d'un trouble de
l'humeur et la démonstration d'un retentissement sur le fonctionnement
psycho-social (un résidu des symptômes de premier rang de Schneider).
Certes,
il existe des idées sur-investies religieuses et de contrôle (pensait
que les démons la possédait), mais ces idées sont partagées avec
l'entourage (mère en particulier), et peuvent être critiquées, ce qui
selon le DSM ne permet pas de les retenir comme un délire (au moins au
jour de l'examen).
Quoi qu'il en soit, le diagnostic de schizophrénie est exacte au sens du DSM et de la CIM.
En
revanche le tableau ne correspond à aucun de ceux décrits par l'école
de WKL. La logique est épargnée et le contact est bon, ce qui exclu la
paraphrénie incohérente et la catatonie inertielle.
Aussi un
certains nombre d'arguments nous font discuter la possibilité d'un
trouble conversif (tbl dissociatif non spécifie au sens du DSM,
autrement dit d'une hystérie en bon français).
- D'abord
en raison du caractère démonstratif, la fréquente, voir constante
présence de 'spectateurs' au cours des épisodes, renforcé par le
contexte culturel et les relations pathologiques entretenues avec la
mère.
- La
suggestibilité probable des symptômes, induits par la prière et aussi
le fait que la patiente ait présenté plus de symptômes lors de la
réalisation du film que lors de notre premier entretien.
- Le
fait que les production verbales sont adaptées au public : ne parlant
pas l'alsacien, je n'ait eut droit qu'à des productions françaises,
alors que l'alsacien prédominait à la maison.
- L'absence de traumatisme lors des mouvements pourtant brusques qu'elle pouvait présenter.
- On
peut se questionner sur les bénéfices secondaires : faire passer des
messages, résoudre des conflits, prendre de l'importance.
- De même la thématique fortement sexuelle est évocatrice.
- La
patiente ne se présente pas avec des traits histrioniques marqués, mais
on sait qu'un trouble conversif n'est associé à une personnalité
histrionique que dans moins d'un tiers des cas. De tels symptômes
conversifs chroniques ne s'observent plus guerre que dans un contexte
culturel particulier, souvent chez des individus de petit niveau, ce
qui le cas de notre patiente.
Comment aller plus loin pour étayer un tel diagnostique ?
S'interroger sur d'autres symptômes conversifs :
- Les
somatisations sont fréquentes. On retrouvait effectivement de
nombreuses plaintes somatiques, mais elles étaient surtout centrées sur
la digestions, or la patiente souffrait d'une rectocolite
ulcero-hémorragique.
- Pouvait-on
envisager le diagnostic de fuite dissociative pour l'épisode de 89 et
d'amnésie dissociative pour l'absence de souvenir ? Les attaques sur
les proches sont-elles de même nature ?
- Nous
n'avons pas trouvé de trouble de dépersonnalisation chroniques; certes
il y avait des épisodes de dépersonnalisation, mais cet état ne
persistait pas. Il faut néanmoins noter que ce trouble tien une place à
part dans les troubles dissociatifs du DSM. En effet, il s'associe peu
fréquemment avec les précédents qui à l'inverse s'associent souvent
entre eux, et les facteurs de risque ou précipitant ne sont pas les
mêmes (stress chronique pour la dépersonnalisation vs aigu).
- Nous
n'avons pas pu objectivé d'hallucinations négatives, peut-être la seule
forme d'hallucination qui soit typiquement dissociative et qui ne
s'observe pas dans les psychoses. Cependant celles-ci sont difficiles à
objectiver et si elles ont une valeur diagnostic positive très forte,
elles n'ont aucune valeur quand au diagnostic négatif.
REM
: les hallucinations négatives ont été décrites la première fois par
Bernheim lors de séances d'hypnose. Le terme a ensuite été repris par
Freud. Pour paraphraser Esquirol, il s'agit d'une absence de perception
en présence d'un objet à percevoir. Le patient dit voir à travers un
objet présent, dit ne pas ressentir des sensations imprimées à
certaines parties de son corps... Le plus souvent en revanche, si
l'objet est un obstacle, il est contourné (exemple de la vision
tunelaire).
Si ce dernier diagnostique est exacte, le pronostic
est mauvais, les symptômes ayant persistés trop longtemps, et étant
acceptés par l'entourage.
Pour en finir, nous avions discuté de
la polysémie du terme dissociatif, signe (cardial) de la psychose en
France, alors qu'aux USA il désigne le principe psychopathologie de ce
que nous nommons l'hystérie. Et en effet, l'idée d'origine était la
même. A l'époque de Pierre Janet, le père de ce concept, on imaginait
que le fonctionnement cérébrale s'expliquait par un enchainement
d'idées associées les aunes aux autres par des liens logiques ou liés à
l'expérience : les chaines associatives (d'où le refleurissement des
techniques faisant appel à l'association libre ou dirigée pour étudier
le fonctionnement du cerveau). La dissociation signifiait la rupture de
ces chaines associatives. Une rupture qui expliquait aussi bien
l'hystérie que la psychose. Ce terme est resté attaché à la seconde
chez nous, en particulier suite au syncrétisme de Henry Ey alors qu'il
s'est attaché au concept d'hystérie de conversion aux USA. Pour plus
d'éléments historiques par rapport à ce concept dans la psychose, cf.
chapitre historique thèse J Foucher.

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© CEP, création février 2009, dernière mise
à jour février 2009, Jack Foucher