CEP                             Cas clinique : Gloria
Cas raporté dans "DSM-III-R – Cas cliniques"
Spitzer R, Gibbon M., Skodol A.E., Williams J.B.W., First M.B.
             Université de Columbia (New York State psychiatric intitute)
          Traduction par Dubroca J.M., Ferrand N. - Masson 1991, p161-163.
                     Commentaires
Jack Foucher            

Commentaires des auteurs (DSM3R)
Diagnostic CIM-10
Diagnostic DSM4R
Diagnostic WKL



Commentaires des auteurs

Ce cas clinique serait facile à résoudre si l'épisode actuel n'avait pas été précédé par d'autres épisodes psychotiques. Si l'on fait abstraction des antécédents psychopathologiques pour ne considérer uniquement que la symptomatologie la plus récente, on note la présence d'idées délirantes bizarres (la machine à écrire fait "disparaître les personnes"), des idées de référence (les gens lui envoient des messages en "clignant des yeux"), des hallucinations auditives (la voix qui lui dit: "Gloria est dingue"). Du fait de l'absence d'un facteur organique connu ou d'un syndrome thymique, on ne peut qu'évoquer le diagnostic de Trouble schizophréniforme, compte tenu de la durée de l'épisode inférieure à 6 mois qui ne permet pas de poser celui d'une schizophrénie.
La réalité clinique de cette observation apparaît en réalité beaucoup plus complexe. Il existe en effet plusieurs épisodes similaires quant à la symptomatologie, d'égale durée et suivis d'une complète rémission. En théorie, si le trouble schizophréniforme peut très bien donner lieu à des épisodes récurrents, leurs multiplications diminuent considérablement les chances d'obtenir une rémission complète. L'autre difficulté concerne le premier épisode psychotique qui a nécessité une hospitalisation de 9 mois. Si les symptômes psychotiques ou résiduels de la maladie n'avaient pas disparus au bout des 9 mois, le diagnostic de cet épisode aurait alors été celui d'une Schizophrénie. La période de rémission complète, en apparence, pourrait être considérée comme une Schizophrénie en rémission. Ce concept de Schizophrénie en rémission (distinct du Type résiduel) étant en lui-même critiquable, le DSM-III-R ne fait aucune recommandation concernant la façon de caractériser un nouvel épisode psychotique qui mettrait fin à cette rémission. On peut également considérer que l'épisode psychotique a duré moins longtemps que les 9  d'hospitalisation, et peut-être moins de 6. Il est possible d'imaginer que Gloria soit restée à l'hôpital parce qu'elle y faisait "une bonne psychothérapie" ou, plus prosaïquement, parce que la préparation de sa sortie dans les meilleures conditions possibles a nécessité de nombreux mois.
Aussi, devant l'incertitude où nous sommes concernant les 9 mois d'hospitalisation et la réalité de la guérison des 2 autres épisodes psychotiques de courte durée, nous opterons pour le diagnostic provisoire de "trouble schizophréniforme". Nous devons mentionner le bon pronostic de l'affection, en raison du mode de début aigu de la symptomatologie psychotique, du bon fonctionnement social et professionnel antérieur à la maladie, de l'absence d'un émoussement de l'affect. Nous ne verrions pas d'inconvénient à ce qu'un autre évaluateur puisse préférer le diagnostic provisoire de "Trouble psychotique non spécifié" en attendant, pour le diagnostic définitif, d'avoir davantage d'informations sur les 9 mois d'hospitalisation.
CCL :  Trouble schizophréniforme, avec caractéristiques de bon pronostic (provisoire)
            Schizophrénie chronique avec poussée aiguë à éliminer.


Diagnostic CIM-10
                                                                      Debut

Il nous manque la durée du trouble pour établir un diagnostic CIM-10 de l'épisode actuel. Néanmoins si les auteurs ont établis le diagnostic DSM de trouble schizophréniforme, on peut en conclure que les symptômes ont persisté plus d'1 mois. Considérant qu'il existe au moins 3 symptômes caractéristiques pour la schizophrénie (délire bizarre, hallucinations, incohérence), il n'est pas possible de poser le diagnostic de trouble psychotique aigu polymorphe avec symptômes schizophréniques (F23.2), malgré le début aigu et les fluctuations thymiques, et la forte ressemblance avec notre diagnostic de bouffée délirante aiguë que cette entité de la CIM doit représenter. En effet au delà de 1 mois, l'épisode doit être étiqueté de schizophrénie, qui dans ce cas serait sans doute paranoïde (F20.0) même si des éléments hébéphréniques (désorganisation) soient présents, ce qui aurait pu conduire au diagnostic de forme indifférenciée (F20.3). Mais l'absence d'aplatissement des affects ou de leur caractère inapproprié doit limiter le diagnostic à une forme paranoïde.

Deux remarques :

Avec ce diagnostic, le pronostic est considéré comme moyen avec un risque d'accumulation de symptômes négatifs, même si cela pourrait être mis en doute étant donné l'évolution des épisodes antérieurs. En revanche cela pouvait raisonnablement être craint lors du premier épisode qui a duré 9 mois.

Sur la base de ce qui sera développé au chapitre WKL, j'aurai personnellement préféré le diagnostic de trouble schizo-affectif, type mixte (F25.2), suivant en cela la démarche d'Andreas Marneros.

Traitement : Devant un premier épisode de schizophrénie paranoïde entrée en rémission, les conférences de consensus sur la conduite à tenir recommandent la poursuite du traitement neuroleptique sur une durée de 1 à 2 ans après un premier épisode, et de 5 ans s'il s'agit d'une récurrence.


Diagnostic DSM4R
                                                                     Debut

Le diagnostic d'épisode ne pose pas de problème : éléments schizophréniques dont la durée est supérieure à 1 mois, mais inférieure à 6. Les auteurs tentent de faire un diagnostic longitudinal du trouble, et leur difficulté illustre bien ce pourquoi cet instrument (ainsi que la CIM) est considéré comme ne permettant qu'un diagnostic d'épisode et pas valable sur la vie entière : le premier épisode ne cadre pas car trop long. La tentative de rationaliser leur diagnostic par une psychothérapie de 9 mois pour justifier cette hospitalisation prolongée est peu probable étant donné le coût et le fonctionnement de la psychiatrie au États Unis... mais ne soyons pas mauvaise langue.
Ce diagnostic de trouble schizophréniforme n'est d'ailleurs pas sans poser de problème étant donné qu'il est souvent posé par défaut, en attendant que le patient ait présenté 6 mois de symptômes. Il sert donc aussi de diagnostic d'attente.

Avec un tel diagnostic en revanche, le pronostic devient favorable dans 1/3 à 2/3 des cas.

Traitement : Que l'épisode soit schizophrénique ou schizophréniforme, les recommandations sont les mêmes que précédemment (même durée).



Diagnostic WKL
                                                                        Debut

Il est rare qu'une observation dédiée à des classifications internationales contiennent suffisamment d'information pour assurer un diagnostic, on peut le supposer la plupart du temps sans l'affirmer. Nous en avons encore un exemple ici.
La désorientation, l'incohérence et l'évolution par phases nous offrent 2 possiblités : une psychose cycloïde de type confusionnelle ou une cataphasie.
Nous ne disposons pas d'un descriptif suffisant de l'incohérence pour trancher définitivement.
On peut néanmoins supposer devant l'installation aiguë, précédée de trouble du sommeil, de symptômes psychotiques s'accompagnant de fluctuations brutales et extrêmes de la thymie, et enfin l'absence de symptôme négatif malgré 4 épisodes qu'il s'agit d'une psychose confusionnelle. Une fluctuation rapide entre les pôles excité et inhibé est classique, ce que semble montrer cette observation. Il est fréquent d'observer des éléments cliniques d'autres psychoses cycloïdes : ici l'angoisse et l'extase de la psychose d'anxiété-félicité.
Par parenthèse, le descriptif de difficultés psychologiques dans l'enfance est classique, et il ne serait pas surprenant d'observer un petit niveau au QI. Enfin la survenue au décours d'un stress surtout s'il s'est accompagné d'un manque de sommeil est un grand classique.

A noter que les examens complémentaires pourraient retrouver :

Le pronostic est dans tous les cas bénin dans le sens qu'il n'y aura pas d'accumulation de symptômes entre les épisodes. La gêne est donc directement liée au nombre de récidives.

Le traitement :
De l'épisode
Il peut se limiter à une benzodiazépine, parfois suffisante, avant de passer au neuroleptique et dans ce cas un atypique doit être la règle. A noter aussi l'efficacité très rapide de l'ECT, mais qui a besoin d'être doublé d'un traitement médicamenteux en raison des fréquentes rechutes à l'arrêt des séances.

Prévention de la récidive
L'instauration d'un traitement d'entretien doit être discuter ici avec la patiente : les épisodes restant somme toute assez rares, c'est leur impact et le niveau de gêne qui doivent guider la mise en place d'un tel traitement. Les neuroleptiques n'ont pas été démontrés efficaces, seul le lithium a pour lui une étude observationnelle pour asseoir son efficacité. Si le neuroleptique doit être arrêter après avoir été prescrit plus d'1 an, il faut le faire très lentement sur 1 à 2 ans en raison de la grande fréquence des psychoses d'hypersensibilité aux neuroleptiques sur ce terrain (souvent prises pour une rechute). L'aripoprazol pourrait avoir ici une indication toute trouvée, en faisant attention à des recrudescences anxieuses et des insomnies lors du changement.
Mais étant donné le niveau de gêne, une psycho-éducation apprenant à la patiente à reconnaître et éviter les facteurs déclenchants pourrait être suffisante. Pour être efficace, elle être répétée et s'inscrire dans un suivi.

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Copyright © CEP, création janvier 2008, dernière mise à jour janvier 2008, Jack Foucher